mardi 14 décembre 2010

“Une des magies de la musique est de parvenir à donner la nostalgie de ce que nous n’avons jamais connu”


Ci-dessus: moi-même, toujours sobre, tracté par un 4x4 ultra-polluant pour sortir d'une région perdue de Valparaiso. Le titre est emprunté à sieur G. Cesbron.

Mal du pays. Envie de repartir, de couper, de trancher la routine établie dans ce si bel endroit. En réalité, je m’y ancre chaque jour un peu plus. Je regarde les longs mois déjà passés ici, et je me dis qu’il en reste encore beaucoup, que ça fait du bien d’avoir le temps. Les vingt-ans, aussi stupide que cela puisse paraître, sont une petite claque. Je quitte ma décade où la maturité était un choix pour entrer dans celle où elle devient un devoir. L’autonomie une loi. La responsabilité une obligation. J’ai parfois juste envie de dormir sans en demander plus. Les célébrations ont été très particulières, puisque combinées à des départs en masses, des au revoir ou des adieux larmoyants, des fuites ou des départs. Pourtant, la vie était belle jusque-là. Se lever à des heures indues, attraper sa guitare, se planter sur le paseo Atkinson comme si c’était ma deuxième maison, jouer pendant des heures sur des cordes désafinadées (j’aime mon barbarisme). Des Italiens, des Anglais passaient en me lançant des sourires complices, pendant que je massacrais Everybody Hurts ou Sweet Home Alabama (en réalisant, d’ailleurs, que c’est une des chansons les plus fascistes que j’ai entendu de ma vie, mais bordel, belle à lacérer à coups d’accords mal joués). Le soleil disparaissait lentement, les passants avec. Je restais le yeux braqués sur le paysage, les mains sur le manche de Maria (le nom de ma guitare… Du Full Metal Jacket en puissance), le chapeau vissé sur le crâne comme incarnation du cliché du jeune bohême flânant dans les cerros de la ville. Seule la faim et la soif me ramenaient progressivement chez moi. Deux semaines à ne pas faire grand-chose, entre pseudo-vacances, derniers examens, et conversations nostalgiques avec mes futurs ex-colocataires. L’été arrivé, se barrer loin de Valpo, avoir le plaisir d’y revenir. Ce matin encore, les ballons roses de la fête d’anniversaire concoctée par mes huevones chiliens décoraient la salle à manger. Ce temps-la est terminé. Je ne travaille pas encore vraiment. Je suis encore dans les prémisses de la réalisation d’un rêve de gosse. Me prendre pour un journaliste.

Je me suis réveillé ce matin excité comme un gamin devant son cadeau lors du réveillon, attendant et redoutant le moment bref et fantastique du travail journalistique. « Tudy Bernier, periodista ». Ça en jette. Carnet de notes à la main, j’émerge avec difficulté, tente de retrouver un rythme de vie hors de la période vacances, et m’élance, fougueux comme jamais, à l’assaut de Valparaiso. Ma chef, qui paraît très bien, me donne mes premiers objectifs, balance des idées, en corrige d’autres, me donne des échéances. Je commence par errer dans les institutions culturelles chiliennes, manifestement en période de pré-vacances d’été (Vous connaissez la vanne : pourquoi ne faut-il jamais qu’un fonctionnaire dorme le matin au bureau ? Sinon, il n’a plus rien à faire l’après-midi… Ohoh). Je ne sais pas trop par où commencer. Embarqué bientôt dans une manifestation de contrôleurs des impôts en colère, je contemple la ville en effervescence, sans savoir sur qui ou sur quoi me braquer. Les premières semaines de taf seront sans doute complexes, peut-être même éprouvantes. Mais, je garde une pêche et une envie de bosser en milieu professionnel que j’avais oubliée. Les thèmes commencent à s’accumuler. J’épluche quelques journaux locaux, fais quelques appels, me balade sur des sites d’informations tous plus mal faits les uns que les autres. Je ne commence officiellement le taf que demain, et je suis déjà la tête dedans. Deux mois. Deux mois de fantasme journalistique, d’interviews, de galères, et mêmes de photographie (avec mon Samsung à 100€, j’imagine déjà la qualité de mon photoreportage). Dernier instants de presque liberté, qui déjà m’échappent. La parenthèse professionnelle s’ouvre. Les mois de cours et d’études reculent. J’ai envie de bosser, et envie de voyager aussi. Ça attendra un peu. Toujours coincé entre l’espagnol et le français, je reste en contemplation, avant d’entrer dans la prise en main. Je vais peut-être me sentir un brin seul, les companeros partis pour deux mois. Une autre page s’ouvre, et c’est toujours à moi de l’écrire. Je ne vais pas commencer aujourd’hui à m’en plaindre.

Ah. Et bénédiction de Marx tout-puissant, mon MacBook remarche. Si c’est pas beau d’avoir des colocs informaticiens.

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