Ci-dessus: leccion 1 ; asaltar un tren en el desierto. Titre piqué à une réflexion de M. Galabru, semble-t-il.
Des atmosphères politiques, des valeurs, et de l'esprit au Chili.
Discussion politique. Tous probablement, du Chili aux Etats-Unis, de la Suède à la Creuse, avons suivi, de près, de loin, l'opération ultra-médiatisée des trente-trois mineurs chiliens, extraits de près de 700m de profondeur, et renaissants à la lumière du jour du désert d'Atacama. Ce qui m'a amené, dans l'esprit polémique et tordu qui est le mien, à critiquer l'action démagogue du président Sebastian Piñera, utilisant ce type d'évènement afin de recouvrer une popularité légèrement égarée au cours des derniers mois. Proche du peuple, concerné, dévoué au sauvetage ''parfait'' (El Mercurio) des trente-trois bonnes âmes coincées dans la mine de San José. Mes colocataires étaient, étonnamment, d'accord avec cette analyse critique d'une récupération médiatique décomplexée. Mais cela reste marginal, peu important. Ce qui ne l'est pas, en revanche, est ce que j'ai appris de la vie politique chilienne. En voici deux des plus brillants exemples.
En pleine campagne électorale, les candidats au Parlement, lors de l'élection des députés, ont, depuis quelques années, entrepris de mettre en place des spots publicitaires à la télévision afin de faire un ch'tit peu de propagande pour leur clocher. La même chose a lieu en France. Le responsable de l'UMP, du PS, du NPA, du Modem, du FN, des Verts, ou de partis plus improbables (Chasse, pêche et tradition, la secte Solidarité et Progrès, ou encore les partisans de la cuisine à l'huile d'olive) vous fait un grand sourire, et des militants viennent vous expliquer toutes les belles choses qui s'accompliront dans le cas d'un vote unanime pour ce tribun de la plèbe, et les conséquences dramatiques d'un vote pour un candidat adverse. Personnellement, j'ai un souvenir particulièrement haineux du ''Restons maîtres chez soi'' du populiste Bruno Mégret (musique africaine dans un salon bien ''français'', un main s'approche du poste-radio, pousse un bouton, et remplace la musique par le Carmen de Bizet, l'image se déplace, et sieur Mégret regarde la caméra avec sourire de agna), ou du spot anti-guerre nucléaire des Humanistes (Des images apocalyptiques dignes de Docteur Folamour, et un type en costard qui, avec le charisme d'une loutre, affirmait, avec un ton de voix d'une solennité digne d'un croquemort: ''aujourd'hui, dans un simple attaché-case, on peut faire sauter trois fois la planète...''...). Il me semble (mais peut-être me trompe-je) qu'en France, une certaine parité dans les temps de paroles doit être respectée.
Au Chili, les choses sont un peu plus compliquées. En effet, les candidats (et leurs partis, a fortiori) doivent acheter les secondes de publicité afin de pouvoir mettre en place leur spot de propagande électorale. Du coup, les grands partis (socialiste, populaire, libéral...) s'achètent environ une minute de publicité, afin d'exposer leurs projets, et nous montrer leur sourire carnassier. Pourtant, les indépendants (ceux qui n'ont guère d'étiquette politique, et encore moins de partis), ou les petits partis marginaux, ne peuvent pas acheter soixante secondes de transmission télévisuelle, dont les droits s'élèvent à des montants astronomiques. Du coup, nombre de candidats achètent... une seconde de spot publicitaire. C'est-à-dire que pendant la durée d'une seconde, un inconnu se plante devant la caméra, dit son nom, dans le meilleur des cas, puis disparaît pour laisser place à de la réclame sur la lessive Superlimpiada. Mieux que ça, un candidat a trouvé une façon encore plus rentable d'utiliser sa seconde d'existence dans les tubes cathodiques. Pendant une seconde (imaginez), le type se plante devant la caméra, lève le poing, et hurle: ''Trabajo ! Trabajo ! Trabajo !'' (soit: Travail ! Travail ! Travail !)... Déjà, l'idée de pouvoir dire neuf syllabes en une seconde, suppose d'en dire une par dixième de seconde (un peu plus, j'en conviens, 10 divisé par 9 ne faisant pas 1, comment j'suis fort en maths). Plus que ça, mes colocataires m'exposaient que ces images apparaissent comme des messages subliminaux. On ne sait même pas qui apparaît, n'ayant guère le temps de le voir. Je ne sais pas pourquoi, mais cela me fait énormément rire. J'imagine le type qui a du travailler sur son slogan pour le placer en cent centièmes de secondes. C'est ce qu'on appelle laver le langage politique de tous les détours dont il est généralement friand...
Autre effet de ces campagnes électorales folles: durant la campagne présidentielle de l'année dernière (élection en décembre 2009), les affiches publicitaires politiques étaient tellement nombreuses (sur les murs, sur des panneaux, partout) qu'une multiplication des accidents de la route a été très clairement établie par les responsables gouvernementaux de la sécurité routière. A force de regarder les ''Viva la democracia social'' ou ''Asi queremos Chile'', ou bien encore ''La fuerza politica es de cambiar'' (Pinera semble avoir pompé sur le ''Ensemble, tout devient possible'' de notre président préféré...), les automobilistes se vautraient dans des fossés, ou emboutissaient leurs camarades conducteurs. Sur les routes entre Santiago et Valparaiso, apparaissent encore ces affiches marketing d'un autre âge, et les conducteurs se plantent peut-être toujours dans la végétation des alentours.
Au-delà de l'aspect profondément drôle de ces différences, certaines nuances apparaissent, et me font en revanche bien moins rire. Prenons la question plus profonde et houleuse des valeurs partagées d'un pays comme le Chili. Je fréquente, disons, de manière grossière, un milieu étudiant qui est plutôt progressiste, sinon radicalement. C'est-à-dire ouvert à l'égalité sociale, critique des valeurs dominantes de la société libérale (fric, reproduction des élites, ostracisation des classes sociales basses, oligarchie au pouvoir, etc.). Certains se revendiquent socialo, d'autres communistes. Disons que la vision globale de la société est celle d'une tolérance plus marquée, d'une redistribution des richesses plus effective, d'une décentralisation marquée, d'un respect des peuples indigènes, pour ne citer que ces courts exemples. Pourtant, quand on en vient à des questions plus morales, on sent une différence nette se dessiner. L'homosexualité illustre cette logique d'une manière on ne peut plus nette.
Je crois pouvoir dire, sans avoir peur de me tromper, que dans l'environnement estudiantin équivalent que je fréquente en France, peu de gens portent un regard déplaisant sur l'homosexualité. Certains ont des propos parfois conservateurs, mais restent dans une sorte d'habitude vis-à-vis de la question. Au Chili, les choses sont très différentes. La place de l'Eglise catholique, toujours très marquée (j'ai quelques connaissances, proches ou lointaines, qui s'affichent comme cathos, bien que n'en ayant vraisemblablement pas les valeurs), semble avoir imbibée la vision de citoyens chiliens. Alors, parler avec un Chilien de 22 ans, no offense, c'est un peu comme parler avec la génération de nos parents. Toujours mal à l'aise. Toujours maladroite. Et c'est parti, on enchaîne les ''ça ne me dérange pas, hein...'' et les ''il est homosexuel, mais il est très intelligent'', type de conjonction de coordination qui fait clairement savoir que le lien intelligence/homosexualité, est loin, très loin de pouvoir être évident pour une partie, oserais-je dire une majorité, de la population. Alors, on marche toujours sur des oeufs. Plus on fait attention, plus on se plante, et, pour ma part, plus je m'énerve. Le malaise grandit. Je n'arrive pas à comprendre cette distanciation irrationnelle, alors que, dans ses principes mêmes, l'homosexualité ne devrait pas poser de problèmes moraux à cette population jeune (et jolie, comme le dit la formule consacrée). C'est pas comme si ces jeunes étaient toujours dans une logique de ''no premarital sex'' ou d'ignorance totale de la sexualité comme pouvaient l'être des gosses des générations passées. Et puis, éventuellement, ça dérape. Et c'est à ce moment-la, qu'on se dit que l'on est pas sorti de l'auberge.
Tudy
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