samedi 30 octobre 2010

''Je mets les pieds où je veux. Et c'est souvent dans la gueule''.


Ci-dessus. Cumple de este hue'on de Jorge. Citation empruntée à Chuck Norris, métaphoriste hors-pair.

Ce billet est volontairement découpé en trois parties, très différentes, tant dans la gravité de ce qu'elles traitent, que dans la manière de le faire. N'y voyons nulle provocation de ma part, elles sont simplement le reflet de sentiments et d'impressions très contrastées vécues ces dernières semaines, et que, faute de temps ou de volonté, je n'ai pas découpé en trois publications. La liberté de passer de l'un à l'autre est d'ailleurs l'origine de la phrase de Norris Chuck.


Débattre à l'américaine.

Je voulais parler un peu de la vie publique chilienne. Du président Piñera et de sa phrase écrite sur le Livre d'Or allemand lors d'une visite entre chefs d'Etat qu'il a emprunté à l'hymne nazi ; de la composition pathétique de l'opposition ; du caractère ultra-américanisé des débats politiques ; du nombre infime de candidats aux élections présidentielles (quatre en 2009 au Chili, douze en 2007 en France, quinze en 2002...) ; de l'apparent respect entre les partis ; du peu d'importance que tout cela semble avoir ; des équivalences, des différences. Je n'en évoquerais qu'une partie.


Finalement, je ne sais pas grand chose sur la vie politique chilienne. Et cette constatation n'a fait qu'augmenter après avoir vu le débat entre les quatre ''principaux'' candidats à la présidentielle.


Une salle grande, très grande. La taille de celle d'un congrès politique partisan. Quatre cents personnes dans la salle. Qui hurlent après chaque intervention des candidats en présence. Ceux-ci sont d'ailleurs S. Piñera (candidat, et désormais président, de l'Alliance pour la Rénovation sociale, parti dit de ''centre-droit'' allié à une partie de la droite chilienne), E. Frei (fils du Frei qui gouverna juste avant Allende, candidat de la démocratie chrétienne, président du Chili entre 1994 et 2000), M. Enriquez (candidat indépendant, ancien membre des Jeunesses socialistes, trente-sept ans, philosophe et cinéaste, inclassable politiquement parlant), et enfin J. Arrate (candidat d'une Alliance ''nous pouvons'', toute référence au ''yes we can'' serait sans doute purement fortuite, soit le candidat communiste). Déjà, première impression. J'ai beaucoup de mal à voir qui appartient à quelle orientation politique. Il faut dire que la couleur des cravates (rose pour le démocrate chrétien, bleue pour le jeune inclassable, orange pour le communiste, et noire pour le conservateur) ne m'a pas aidé. Le journaliste est mal à l'aise, loin des candidats, qui font un brin figure de pingouins participant à Questions pour un Champion. L'ambiance est à l'américaine. Coupure pub toutes les six minutes, longs travelling sur la salle et les candidats, incitation constante à l'applaudissement.


Et puis, le système se met en marche, et me laisse pantois. Chaque candidat a une minute pour répondre à une question très pointue. Puis trente secondes pour répondre à ce qu'ont dit les autres candidats. Du coup, c'est comme un pub pour parfum. Du show pur, aucune profondeur dans les réflexions. Et des applaudissements résonnent une fois la minute écoulée. Seul Piñera se fait siffler quasiment à chaque fois par une partie du public, autant qu'il semble susciter l'enthousiasme d'une autre part de l'audience. Mais les interventions sont particulièrement soft. Personne n'insulte personne, les attaques personnelles sont rares. Les candidats s'appellent même parfois par leurs prénoms respectifs. Et puis je réalise que, entre ces quatre candidats (qui sont les uniques candidats de l'élection), n'existe pas le candidat d'extrême-droite. Celle-ci n'est absolument pas représentée, n'a aucune valeur à l'échelle d'une élection comme celle-la. Dingue. L'élection paraît à la fois très semblable, et en même temps très différente de notre sacro-sainte élection française. Tout plein d'espoirs, de gens hystériques, des candidats un brin patauds, contradictoires, jouant sur une forme d'image personnelle à promouvoir. Moins de haine, sans doute. Moins de diabolisation.

L'impression demeure étrange. Une logique démocratique un peu modernisée, ou qui se veut l'être, en tout cas. Une logique du show à la Royal. Et à l'origine d'un grand vide politique. Si la vie publique est devenue spectacle, elle est donc contingente. Importante sans vraiment l'être. Primordiale tout en étant un simple blockbuster à suivre, si possible.



L'appel à l'antisémitisme.

Un ami chilien est allé aux vingt-et-un ans de Radio Placeres (radio d'extrême-gauche diffusée de manière pseudo-illégale, et que j'affectionne particulièrement, tant par ses programmes musicaux que culturels et politiques). Cet événement se construisait autour d'un concert, où de nombreux artistes venaient participer à cette fête contestataire très convenue. Et puis, un homme, plutôt âgé selon les dires de l'ami en question, monta sur scène, prit sa guitare, et commença à jouer une chanson. Les paroles étaient étranges. ''Que les juifs partent...''. Le chanteur, face à l'apathie totale du public, continua son spectacle. ''Que les juifs disparaissent...''. Sans réaction, le public suivit sans broncher les chansons qui s'enchaînaient. ''Que les juifs meurent... tous !''. L'ami s'arrêta, interloqué, plus qu'il ne l'était déjà. Après le concert, indigné comme il se doit, il alla rencontrer le chanteur en question, et lui demander des comptes vis-à-vis des paroles intolérables entendues. L'homme répondit que sa chanson visait Israël, et le mal qui était fait à la communauté palestinienne. Quand cet ami m'a conté cette histoire, lui-même, étudiant en psychologie, plutôt cultivé, ne faisait pas la différence entre juifs et Israéliens. Ensuite, en me racontant cette histoire tellement gore, il affirma qu'en entendant les paroles, il pensait à la Shoah, au régime nazi, à Adolf Hitler, à Auschwitz. Il ajouta que même si Israël était un pays à combattre, il n'acceptait pas qu'on piétine ces faits historiques en ravivant une haine contre les juifs.


Je ne m'en remets pas. J'ai d'abord eu, bien sûr, envie d'enlever mon keffieh, et d'aller étrangler ce chanteur, ce que je n'ai heureusement pas fait. Mais, au-delà de la bêtise de ce type, la réaction de cet ami m'a également posé problème. Je me suis alors questionné. 1) Aucune distinction juif/israélien pour cet ami, et visiblement, pour ce chanteur. J'en concluais qu'il devait en être de même pour une bonne partie du pays. 2) Ce qui choquait mon interlocuteur n'était pas tant la violence des propos déversés par cet artiste, sinon le contraste insupportable qu'il mettait en place vis-à-vis de l'histoire passée, et en particulier de l'Holocauste. Et non de la violence en tant que telle, ou parce que, Shoah ou non, l'appel à l'extermination, ou à l'annihilation, ou à une quelconque forme de haine, était, en soi, en ce qu'il était, condamnable en son entier. Alors je ne dis pas qu'une différence, établie clairement par l'histoire particulière du peuple juif, n'existe pas dans l'approche de tels sujets. Mais, je n'ai pu m'empêcher de me demander. Si l'homme avait parlé des Druzes. Ou des Bosniaques. Ou des Tchétchènes. Ou des Juifs avant 1933. Le souvenir ''Shoah'' n'aurait pas pu être présent dans l'esprit de mon interlocuteur. La prise de conscience, dont les principes sont pourtant visibles, fut brutale. La Shoah fut l'évènement qui permet, aujourd'hui encore, de s'offusquer, et de se donner bonne conscience face à une haine raciale/religieuse affirmée. C'est donc dans, et peut-être seulement par l'horreur absolue, que l'homme prend conscience du scandale que peuvent véhiculer certains artistes/écrivains/intellectuels/non-intellectuels. On a donc besoin de ça. L'horreur totale, pour s'offusquer devant l'appel à l'horreur. Je me suis senti nauséeux.



La guitare enthousiasmée.

Il y a trois jours, je suis allé acheter une guitare. 12,900$, soit 19€ environ, une misère. Une folk. Son évidemment pas top. Je commençais à gratouiller en me demandant par où je pouvais et devais bien commencer. Mais en construisant mes premiers accords au son médiocre, j'ai senti, dans mon corps, une forme indescriptible d'enthousiasme. Mon ignorance totale de l'instrument lui donnait une beauté, dans la découverte que j'en avais, que je n'avais plus ressenti depuis longtemps. Je me suis senti comme un gamin à Noël. Excité, motivé, hyperactif. L'envie d'apprendre, d'y passer du temps, de découvrir. Impression première rare, qui s'est transformée, avec les heures, en une sorte de nécessité de jouer. Je n'ai pas daigné poser ma guitare pendant ces trois derniers jours. Par cette drogue musicale, je ressentais un plaisir que je ne pouvais plus lâcher. Accords, tablatures, doigts défoncés par le zèle, ont commencé à entrer dans mon existence. La voix cassée à force de reprendre le refrain de Numb, en détruisant les oreilles de mes comparses et colocataires. L'envie, la nuit, de reprendre un instrument, et ne pouvoir qu'en esquisser les accords, sans les jouer vraiment (la scène du Pianiste, de Polanski, où le héros, se cachant de la Gestapo, se retrouve face à un piano, et ne peut le toucher, m'apparaissait alors d'une cruauté rare). L'enthousiasme. Je pense que cela faisait un moment que je ne l'avais pas ressenti si fortement.

Tudy

2 commentaires:

  1. Ah je suis pas le seul à m'être mis à la gratte ! C'est trop bon quand tu commences, t'as plus envie de t'arrêter même avec les doigts explosés ^^
    Bonne continuation au Chili en tout cas.

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  2. C'est quand l'élection présidentielle au Chili ? Déja passée ? Intéressante ta vision du "débat".
    J'ai pu voir hier tes progrès à la gratte et au chant. Persévère. Gros bisous de ton P'pa.

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