mardi 27 juillet 2010

''Notre vie est un voyage...''


Jour-J (26 juillet 2010).

06h18. Phase 1: l'ancien et le nouveau.


Fond de l'air humide. Température tolérable. Départ des forces en présence vers l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle. A investir le plus rapidement possible, afin de pouvoir le contrôler de manière totale dans l'après-midi. Prochain objectif, Madrid, puis Buenos Aires, Santiago, et,''final target'', Valparaiso.


Alors que le train prend de la vitesse, je réalise l'énormité du moment, de l'instant, de l'immédiat. Après dix-neuf années de vie commune avec cette garce qu'est la France, je la quitte finalement, pour quelques mois au moins. Après tous ces choix, ces réflexions, ces sélections, je me dirige inexorablement vers l'Amérique Latine. Continent ''brand new'' pour le modeste explorateur que je suis. Après cinq années de projection estudiantine, je deviens enfin le héros de ma propre histoire. Mon Alexandre Naste à moi (ou mon Guy Tan, mon Romain Michel, mon Jean Duvoyage, pour les intimes).

Je plongeais dans l'immensité du nouveau, de l'inconnu, de l'impalpable. Je me demandais alors si l'heure était au neuf ou à l'ancien. Entrais-je dans une page nouvelle de ma propre histoire, ou n'était-elle que la continuation logique d'un parcours linguistique et étudiant débuté des années auparavant ?


Peut-être faut-il y voir les deux. De l'ancien et du nouveau. Un voyage attendu depuis toujours. Depuis toujours, et jamais.


08H45. Phase 2: l'engouement et la désillusion.


Impression étrange. Je me sentis brusquement propulsé vers ma destination. Le simple fait de ne pas regarder en arrière me fit effectuer une partie conséquente de ce lointain voyage. Je contemplais mon Guide du Routard® en fantasmant sur les soirées estudiantines du vieux port de Valparaiso, les nuits étoilées du désert d'Atacama, sur les plaines désertiques de Patagonie, les chemins non-balisés et sauvages de l'Isla Robinson Crusoe, les traversées mouvementées du Pacifique, les recoins non connus des touristes de Santiago, les évènements nationaux comme la fiesta del Mar ou el carnaval cultural de Valparaiso... Ma tête était alors au bord de l'explosion, tant images romantiques, chimères touristiques, et rêves d'aventures se mêlaient en un tout indescriptible, un fantasme presque incommunicable. A cela, fallait-il le rappeler, s'ajoutait la sourde envie de découvrir une terre prétendument progressiste et gauchiste, en tout cas, pour l'Européen idéaliste et romantique que je suis et reste: la vision d'un Allende socialiste, honnête, injustement destitué, et d'un Pinochet tyran, étiqueté comme le pire usurpateur de l'histoire du continent, avait bien du mal à s'estomper, quand bien même je tentais de faire preuve d'un peu plus de réalisme politique et historique. Il faut croire qu'à force de clichés, d'images toutes faites, l'Homme finit par projeter ses propres fantasmes, politiques ou autres d'ailleurs, sur ce qui semble le plus à même de les accueillir. Dans une certaine mesure, j'imagine que le Chili représente aussi cela pour moi: une façon de s'extirper d'un Occident en mal d'optimisme, de se rapprocher d'une vision alternative de la société, afin de mieux pouvoir y coller les contradictions propres à notre civilisation indo-européenne. Le Sud incarne cet Eden impossible, qu'un nordiste ne peut pourtant conceptualiser que là-bas. L'Amérique latine, qu'est-ce alors, une fois cette réalité dévoilée ? Serait-ce la terre sacrée d'Augusto Pinochet, d'Hugo Chavez, de Ronald Reagan, ou bien encore des FARC ? Non, bien sûr que non. Dans mon imaginaire tout du moins, cela reste (et restera, je l'espère) la terre de Pablo Neruda, de Simon Bolivar, de Gabriel Garcia Marquez, d'Ernesto Guevara, de Luis Sepulveda, ou encore de Salvador Allende ! Continent immense, riche d'un univers littéraire trop méconnu, idéaliste, longtemps dominé, opprimé, incarnant, dans une certaine mesure, un âge d'or perdu, comme un avenir ouvert.


Le décalage entre ma projection et la réalité, j'en suis conscient, se révèlera certainement extrêmement large. Qu'importe ? Cette vision en vaut bien d'autres. J'ose croire que je la conserverai. Du moins en partie.


27 juillet 2010.

05h52. Phase 3: attente.

Heures d'avion dans les pattes: 14h30. Heures d'attente dans les pattes: indéfinies.

Marche-arrière. Voyage décidément étonnant: arrivée à Madrid mouvementée. Je me rends compte sur le tarmac madrilène que je dois changer de Terminal. Et, ohoh, surprise number two, une dizaine de kilomètres séparent mon glorieux Terminal 4 d'arrivée avec mon Terminal 1 de départ vers l'Argentine. Et c'est parti pour un bon moment de stress intense dans les bus de transit madrilènes, avec des gens autour de moi qui me disent: ''it's okayyyy'', quand je suis en train de suer à grosses gouttes. Une infernale demi-heure plus tard, je trouve mon comptoir d'enregistrement, où je me pose telle une fleur sur la plage de Copacabana. Premiers contacts avec la langue espagnole... convaincants. La fille de l'enregistrement, blonde, vingt-cinq ans à tout casser, grand sourire aux lèvres, me regarde me débattre avec la grammaire, la compréhension, et la syntaxe. Elle finit même par me dire qu'elle viendrait bien avec moi à Valparaiso (''true story''). Je monte dans un avion bondé d'Argentins hystériques, certainement en mal du pays. Mon voisin ouvre alors la discussion. Juan Carlos est un Chilien, avocat à Valdivia, spécialisé dans les affaires de crimes sexuels (miam !). Il parle avec une rapidité déconcertante, et mâche tellement ses mots, que je me demande un instant s'il n'est pas dyslexique. Mais non, il est juste Chilien, super funky de surcroît, il me parle de Santiago, du Chili, du continent, tape sur les Argentins, plaint les Boliviens, encense une culture chilienne complexe, paradoxale, et extrêmement riche, parle d'histoire, de politique, de Pinochet, de plages, de la pluie et du beau temps. Exténué mais ravi, je finit quand même par m'endormir, un peu trop tôt à son goût, alors que nous survolons les eaux internationales atlantiques.

Marche-avant. Aéroport de Buenos Aires. Surprise numéro trois: en fait, j'ai pas besoin de traverser la ville au pas de course pour choper un avion dans l'autre aéroport. Bonheur ! Sauf que du coup, ça me fait à peine... sept heures pleines à combler. Et je n'ai pas le droit de quitter l'aéroport... enfin, je ne crois pas. Je me sens comme Tom Hanks dans Le Terminal (navet s'il en est un), coincé entre les Duty Free et les toilettes où se raser. Mais je me dis que, quand bien même j'eu le droit de sortir de là, le temps de passer le service d'immigration, de faire aéroport-centre ville, puis l'inverse, le stress de me balader dans cette immense cité avec un mac sur le dos, et enfin, miné par une fatigue palpable, enfin bref, cette accumulation nerveuse suffirait à me convaincre de continuer à errer dans les longs couloirs de l'aéroport.

''Notre vie est un voyage,

Dans l'hiver et dans la Nuit

Nous cherchons notre passage,

Dans le ciel où rien ne luit''.

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