''Today is a lovely day to run
Start up the car with the sun
Packing blankets and dirty sheets
A roomful of dust and a broom to sweep up
All the troubles you and i have seen...''
Packing Blankets, Eels
Je me réveille avec une douce mélodie dans la tête. Le soleil, une fois encore, vient lutter contre le froid, glacial, de la matinée. Les nuits hivernales de Valparaiso ne sont pas fraîches, mais bien glaçantes. Avant de croiser mes colocataires, je pense en espagnol, en anglais, en français, ou plus exactement, en hispano-franglais, ce qui donne des phrases, au réveil tout du moins, comme ''May I take esa casserole ?''. Je vis depuis deux jours dans une joyeuse colocation composée de trois larrons, en plus de moi. Carmen est espagnole. 21 ans. Je crois qu'elle vit aux environs de Toledo. Avec ses yeux mouillants (Jacky, si tu m'entends...), elle parle vite, très vite, une langue belle à entendre, difficile à saisir, presque berçante. Danilo, Chilien, 26 ans, guide de Rafting et de kayak. Barbe de 126 jours sur la figure, le sourire aux lèvres, parle une forme de spanglish à mourir de rire. Fume clope sur clope, mais ne les achète que par paquet de dix. Est marié à Esther, même âge, depuis mars dernier. Australienne, blonde, planante, guide de kayak elle aussi. Couple du XXIe siècle, qui regarde des séries américaines sous-titrées en espagnol à deux heures du matin. Ils partent mercredi vers de nouveaux horizons, trouver du boulot entre Santiago, Concepcion, et Valdivia.
Les âmes se croisent dans la cuisine de 1,5 m², où nous partageons deux feux qui marchent, trois casseroles, et les paquets de café vides. La journée s'annonce belle. L'appartement alterne entre le bruit et le silence complet. Depuis ma chambre, au fond du couloir, j'entends des bribes de conversations de mes nouveaux roomies. Dans ma ruelle, le glorieux pasaje Fischer, se côtoient les graffs sur les murs avec les débarras à ciel ouvert, les escaliers escarpés, les maisons écroulées. Des enfants, sur le chemin de l'école, glissent sur les rampes, et manquent à chaque seconde de se vautrer et de se rompre le cou. Pourtant, si l'endroit peut paraître modeste, et d'ailleurs il l'est, je vis mes premiers instants d'indépendance en présence d'une machine à laver, et même d'un four. Incroyable.
La soirée passée, en écumant les bars nombreux et bajatos de la ville, j'ai rencontré du beau monde. Des Argentins, des Espagnoles (une invasion venue du Pays-Basque, semble-t-il), un Allemand, une Italienne, et beaucoup, beaucoup trop de Français. Je ne sais pas si le gouvernement a décidé d'ouvrir une succursale à Valparaiso, ou d'y installer une nouvelle colonie de peuplement (sans doute pour vider les campements illégaux de ''gens du voyage''), mais ces putains de Français sont partout. Et vas-y que ça parle français, et que ça fait aucun effort pour se mélanger. Un type hier, très sympathique par ailleurs, me demande: ''Et tu viens de quel pays ?''. En Français. Genre. Je voulais lui faire croire que j'étais Slovène, ou Berlinois, mais, n'ayant pas réalisé que la question était en français... je ne pouvais répondre sans révéler mon identité nationale. Ce que j'ai fait. Bref. Des conversations multiples, complexes (première expérience d'un débat sur le conflit israélo-palestinien en espagnol: peu convaincante, surtout que tu ne sais dire ni Juif, ni Arabe en castillan...), mais surtout enrichissantes, tant du point de vue humain que linguistique.
Non loin de mon lieu de vie, des passages sous forme de balcons ouvrent un paysage de rêve, tout en abritant des peintres, des vendeurs à la sauvette, des joueurs de guitare ou des jongleurs. Ici, les boulangères qui m'appellent ''mi niño'', les libraires me parlent en anglais, les serveurs en français (''Dé rien, maun ami !'').
Je me dis que je devrais faire autre chose que flâner dans les rues de la ville, un bouquin sous le bras, et l'appareil-photo dans l'autre. Ecumer les librairies, jouer de l'harmonica, ou visiter des musées. Joder, l'année est encore longue. J'aurais tout le temps pour ça... Vivre dans une ville nouvelle, c'est comme payer son loyer. C'est toujours mañana qu'on est sûr qu'on le fera.
Au détour d'une rue penchée à 80°, Simon me présente deux télévisions célèbres. Sur la première, ''Apaga tu tele''. Sur la deuxième, ''vive tu vida''. J'espère être capable de faire au moins l'un des deux.
Sympa la plume.
RépondreSupprimerJ'espère que le chili te plait / t'a plu.
Apaga tu tele y vive tu vida !