Ci-dessus: un crétin, auquel on a écrit sur les bras: ''enamorado del amor'' et ''sín España, la vida sería un error''. Bon okay, le deuxième était mon idée.
Mes amis, qui écrivent à l'occasion, tiennent un blog, ou rédigent uniquement pour ne pas être lus, ou seulement par leur poisson rouge (Simon, si tu m'entends), le savent bien: écrire en continu, avec une contrainte, est chose difficile. C'est pourtant la règle que je me suis imposée avec ce blog, où un article devra voir le jour par semaine. Alors, de deux choses l'une: soit mon style s'en voit affecté, et vous avez le droit de dénoncer mes origines auvergnates (cherchez bien à la 5e génération) au commissariat le plus proche de Valparaiso, soit ça passe, et je peux continuer à débiter mes âneries. Récits, donc.
Mise en place d'un rythme de vie. Il me semble que la chose la plus difficile à faire, à subir même, en territoire inconnu, consiste à mettre en place autour de soi, au quotidien, les bases d'une vie sociale et intellectuelle riche.
Parce que franchement, arriver dans un aéroport, payer 2000 $ (oui, le signe est le même pour le dollar américain et le peso chilien. Et si ça vous intéresse vraiment, c'est aussi le cas pour le peso argentin, brésilien, colombien, cubain, dominicain, mexicain, et uruguayen, ainsi que pour l'escudo cap-verdien, comme le dollar canadien, et, évidemment, le pa'anga tongan. Qui a dit que ce blog était pas culturel ?) pour arriver dans un terminal de bus qui n'est pas le bon, se pointer dans une ruelle sombre pour trouver une auberge, puis dormir sur le patio en plein jour au lieu de visiter la ville en long, en large, et en travers, puis se lier d'une amitié fragile avec des inconnus qui parlent un espagnol approximatif parce qu'ils viennent de Liepzig ou de Copenhague, j'ai envie de dire check. Mais après. Après, quoi ? Après ces premiers jours magiques, où on en prend plein les mirettes, il faut, et j'invoque ici le terme dans tout ce qu'il peut avoir de nécessité, trouver ses marques, aussi différentes qu'elles puissent être de celles de son pays natal bien-aimé. Des marques, dans le quotidien. Des marques dans la vie au Chili (ou en Argentine, ou au pays de la morue, ou chez les neocons(ervateurs) américains, etc.), non pas comme voyageur, mais comme citadin, étudiant, homme sédentarisé.
Cela veut dire s'accoutumer à:
Vivre dans une chambre blanche de 14m² environ, où mes chemises se battent en duel pour rentrer dans un même placard qui, avouons-le, tombe un brin en lambeaux (mais où sont les magasins suédois, je vous le demande ?).
Voir passer des colocs différents chaque semaine. Je ne sais pas si c'est une coutume d'ici, mais j'ai pour ma part vu défiler, entre ceux qui partent, et ceux qui arrivent, en tout et pour tout cinq personnes depuis mon arrivée, et ce n'est pas fini. La dernière, seule mécontente de la troupe, s'en est allée (dixit): ''parce que la coloc' avait pas assez de vie''. Non mais l'autre ! Ah, quel échec malgré tout ! Mais bon, comme c'était une fumeuse de cannabis, je garde le numéro de la police sous le coude, en cas de grosse déprime, histoire de.
Tenter de cuisiner des plats locaux. Genre des tortillas, comme si c'était chilien. Et se rendre compte que, bizarrement, c'est plus facile, voire meilleur, quand c'est une jolie fille d'Espagne qui vous l'offre avec un sourire en coin. Etrange.
Savoir reconnaître les fonctionnaires de police, qui sont tout de vert vêtus, avec un gilet par balles assez apparent, avec une cravate dessous (mais pourquoi ? Le Chili est un pays bizarre), en cas d'agression par un groupe de flighters, ou fighters, bref, les racaillous d'ici qui violent les vieilles dames et mangent leurs pastèques.
Mais aussi, s'habituer aux cours, et j'en donne mon sentiment, clairement marxiens (ou marxistes) de nos professeurs, sans doute en mal d'un mouvement social qui viendra pourtant bientôt. Et c'est en fait génial. Comme se plaisait à le dire un ami conservateur (tout le monde aura reconnu Alexis Carré, y'a que lui de toute façon), la phraséologie communiste conserve, et conservera sans doute, des qualités enivrantes. Mais alors, quand celle-ci est mise au service, non pas de l'idéologie, mais d'un cours sur l'idéologie, c'est tout juste fantastique. Avoir un prof de sociologie qui prend pour référence du Hobsbawn, ou un prof de philosophie qui disserte sur Althusser, cela m'enchante.
Et plus que tout, sans doute, trouver ses marques relationnelles. Trouver des gens de confiance, trouver des gens disponibles, trouver des références dans ses relations. Et cela n'est guère facile. Pourtant, on le sent, jour après jour, soir après soir, certains restent et d'autres non.
En cas de déprime, reste l'émission Parlez-moi d'humour, ma nouvelle bible pseudo-culturelle (Oui, je suis sponsorisé par France Inter, même au Chili). Ou bien des cours de yoga, ou des parties de ping-pong. Ou plus encore la perspective d'une visite d'un ami mendozien dans très peu de temps.
Mais par-dessus tout, ce qui m'enchante, est la perspective du voyage. Plus le temps passe, et plus je me dis qu'il faut, absolument, que je m'enivre de ces plaines arides, de ces déserts lointains, de ces petits hameaux par centaine, que je parte une tente sur le dos, avec pour seul bagage un bouquin de Pablo Neruda. Et que je me laisse aller depuis la Patagonie jusqu'en Bolivie... Les récits que j'en entends... Partir une fois le semestre terminé, dans le lointain. Dans trop longtemps. Mais je ne m'en fais pas, le possible est ami du bientôt. Bientôt.
Tudy
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