Réflexion sur les valeurs, valeurs de la réflexion.
Attention, ceci est un billet à tendance politique, limite militante. Allergiques, s'abstenir.
Ci-dessus: Le garage à vélos pour fauchés. Pas cons, ces Chiliens. Le titre de l'article est de maître Desproges, bien sûr. Ça a pas grand chose à voir avec l'article (quoique), mais je l'adore.
N'ayant pas de colocataires présents, et me remettant de mes émotions de la veille, je me suis dit qu'il n'était pas bête de rester au courant de l'actualité française, après deux semaines de quasi-blackout. Outch.
Avant toute chose, établissons que les réflexions qui suivent ne sauraient engager la responsabilité de son auteur (j'espère ne pas me prendre un procès avec présomption de culpabilité, concept apparemment en vogue ces temps-ci, ou voir ma nationalité s'en trouver ainsi déchue). Sachons aussi que les cours que je suis depuis désormais une semaine sont les suivants: sociologie politique ; sciences politiques ; sociologie du changement social ; sociologie du cinéma ; et enfin, la meilleure, philosophie contemporaine. Pourquoi une telle précision, qui a eu pour coût d'endormir la moitié de mes lecteurs ? Parce que ces perspectives, aussi multiples et diverses soient-elles, portent un projet unique, qui est celui de tenter de remplacer la croyance dans une valeur, en la connaissance approfondie de cette valeur.
L'introduction, trop longue, étant faite, passons aux choses sérieuses. Quand je ne suis pas dans un bar, ou à jouer au Time's up (ce que c'est fun d'ailleurs. Allez jouer à Pyramides en espagnol, vous comprendrez. Une amie a fait deviner Ricky Martin avec le simple mot ''bisexual''. Je m'en remets pas), je suis encore, enfin, je crois, un citoyen français, européen, soucieux de savoir ce qui se passe sur mon continent natal. Et ce que j'y vois me bouleverse. Alors bien sûr, je ne lis que Le Monde et Libération (et maintenant leurs équivalents chiliens), mais quand même. Bien sûr, je suis un peu gauchiste sur les bords, mais franchement. Quand je vois qu'en 2010, alors que nous sommes menacés par une crise climatique majeure, que l'on sort tout juste du désastre économique le plus énorme du siècle, que les inégalités explosent, que les situations sociales empirent de manière dramatique, et que notre gouvernement pense à déchoir la nationalité des exciseurs, je tique. Mais quand je vois qu'en 2010, alors que la culture, la philosophie, la science, le savoir, sont censés être au centre de nos valeurs, et que notre gouvernement réfléchit à la meilleure façon de récupérer les voix du FN, en attisant la peur, l'ignorance, le simplisme, je ne tique plus, j'explose.
Au Chili, un gars vient d'être élu à la présidence du pays. Miguel Juan Sebastián Piñera Echenique. Une des fortunes les plus importantes d'Amérique Latine. Le type entretient des rapports... disons... ''controversés'', bel euphémisme, avec les médias. A croire que sieur Berlusconi fait des émules. L'homme s'est fait élire sur un programme de valeurs conservatrices, mais alors, bien conservatrices. A titre d'information, le droit au divorce est légal au Chili depuis... 2004. Outch. Alors, pas besoin de préciser que, en élisant ce type de représentant direct de valeurs directement pompées sur la morale catholique, tout droit à l'avortement est repoussé aux calendes grecques. Par exemple. Et je ne parle même pas de mariage homosexuel, ou autre liberté fondamentale ainsi niée (oui, je suis ultra-pro-mariage gay, comme l'adoption d'ailleurs. Les gens ici, moins).
Quand on voit la direction prise par deux nations, qui s'opposent en tout (géographie, culture, logique démocratique, place de la religion...), c'est-à-dire la même perspective, celle d'un conservatisme exacerbé, brandi, affiché, revendiqué, on peut se dire que le monde continue sa course vers l'abîme. Mais ce qui m'inquiète n'est pas tant le principe de ces valeurs (morales, sécuritaires, néolibérales), sinon l'apathie totale avec laquelle les citoyens regardent passer ces changements. Une discussion m'opposait il y a peu avec un ami gauchiste, sur le fait de savoir si les excès de notre société actuelle restaient possibles parce que la répression tombait sur ses détracteurs, ou si la société civile était tout simplement devenue apathique face à toute action politique, aussi nauséabonde soit-elle. Je crois malheureusement que les deux s'enclenchent et s'emboitent parfaitement aujourd'hui, dans notre bel Hexagone.
Un homme, dont j'ai oublié le nom, disait: ''on a toujours l'air plus intelligent quand on est pas d'accord'' (c'était sans doute au Masque et la Plume, mais passons). C'est sans doute vrai. Et pourtant. La société française que je vois aujourd'hui n'a ni l'air intelligente, ni d'accord, ni rien. Juste neutre face à la démagogie sécuritaire extrêmement inquiétante d'un gouvernement en perdition, qui menace la liberté de la presse, qui associe immigration et délinquance, qui tape sans solutions. Etant pragmatique, parfois cynique, je pourrais comprendre les principes qui régissent actuellement les actes politiques français si ceux-ci avaient un sens intellectuel, une base réfléchie, ou étaient orientés par un projet précis. Si ces actes avaient un sens.
Quand Don Quichotte part se battre contre des moulins à vent, il ne perd pas. Il se crashe. Il invente un problème, fait une démonstration de force, puis remonte à cheval. C'est la politique de Nicolas Sarkozy actuellement. Aujourd'hui, rien n'est projet, rien n'est futur. Rien n'est préparé. J'irais même jusqu'à dire que rien n'a vraiment de sens dans ce que fait le gouvernement français. Tout n'est qu'action au jour le jour, démonstration de force, grandes envolées réactionnaires. Et, année après année, on remonte sur le cheval. Et je suis inquiet. Très inquiet.
Je laisse à la libre-appréciation de ces hommes dangereux le soin d'une relecture de Kant. Vite.
''Tant il est dangereux de semer des préjugés ! Car ils finissent par retomber sur leurs auteurs ou sur les successeurs de leurs auteurs. (…) Mais j'entends crier de toutes parts: ne raisonnez pas. L'officier dit: ne raisonnez pas, mais exécutez ; le financier : ne raisonnez pas, mais payez ; le prêtre: ne raisonnez pas, mais croyez.''
E. Kant, Qu'est-ce que les Lumières ?, 1784
Que le monde serait bon et beau si l'Homme s'en tenait à la maxime de Horace.
''Ose penser !''
Tudy
Bienvenue en France!
RépondreSupprimerTu vois c'est exactement ce genre de "res publica" qui me désole, m'attriste, et surtout me fait profondément détester mes concitoyens. Au secours! La misanthropie me guette!
Mais quand on découvre les résultats du sondage, malheureusement instructif, proposé par Le Figaro, on ne peut pas vraiment réagir autrement.
Certes il manquait à ce sondage LA grande question "jugez-vous la politique sécuritaire actuelle efficace?" D'ailleurs un autre sondeur a posé la question cette semaine à laquelle 69% de Français ont répondu négativement.
Espoir? Mirage à mon humble avis. Ce "petit racisme de tous les jours" est exacerbé, amplifié, et démesuré. Ces nombreux Français qui disent si facilement "Ah ouais telle région est très sympa mais il y a de plus en plus de Russes/Roumains/Arabes/Gitans/Hollandais/Anglais (non non rien n'est à rayer)", ces gens qui voient leur pouvoir d'achat d'effriter, leur voix se perdre dans un choeur multinational, et bien leur premier réflexe est de se replier sur eux-même, sur un cercle plus petit, à leur taille. Ce racisme est universel, mais la politique française est aujourd'hui de lui accorder du crédit.
Et ça, c'est dangereux.
C'était mon petit coup de gueule ^^
Ouah. Un commentaire. Surréaliste.
RépondreSupprimerTu vois, mon cher Minou, je me pose toujours la question suivante: est-ce que nous vivons des temps vraiment ''inquiétants, dangereux, racistes'', ou est-ce le cours ''normal'' de l'évolution de la société ? Et je ne suis pas sûr du tout que je veuille avoir une réponse.
Mais, très étrangement, je me reconnais dans ta deuxième phrase. Pourquoi, depuis quelques semaines, ai-je honte de mon pays ? Pourquoi déteste-je mes concitoyens ? C'est vraiment pour moi un sentiment nouveau, inédit. Cette misanthropie que tu redoutes n'est pas loin de m'atteindre également.
Et de fait, je me pose la question. Est-ce que nous sommes dans une situation extrême, où les valeurs, la culture, les hommes, l'intelligence, sont menacés ? Ou ne suis-je qu'un pauvre jeune idéaliste, qui traite de ''fasciste'' son gouvernement, comme l'on fait tant de jeunes avant moi, et comme le feront certainement des milliers d'autres ? A ta dernière ''sentence'' sur la gouvernance actuelle, j'en conclus que nous sommes d'accord sur la spécificité de cette situation.
Je suis dans une période de doute. Et cela n'est guère plaisant, malgré tout ce que la logique cartésienne suggère. A croire que je ne peux m'accorder avec cette pensée du doute humaniste. Que je me sens loin de Pascal... Ah... tiens... Pascal.
En parlant de ça:
- Tu viens souvent ici ?
- Pour ainsi dire jamais, et toi ?
- C'est la première fois que j'y mets les pieds.
- Et c'est précisément ici que nous nous sommes rencontrés. C'est étrange.
- Non, au contraire, c'est parfaitement normal. Nos trajectoires ordinaires ne se rencontrant pas, c'est dans l'extraordinaire que se situent nos points d'intersection. Forcément. En ce moment, je fais des mathématiques à temps perdu. Cela m'amuserait de définir les chances que nous avions de nous rencontrer.
- Tu crois que c'est possible ?
- C'est une question d'information, et de traitement de l'information. A condition que l'information existe (je pensais évidemment à Catherine). Les chances que j'ai de rencontrer une personne dont je ne connais ni l'adresse, ni le lieu de travail, sont évidemment impossibles à déterminer. Tu t'intéresses aux mathématiques ?
- A l'heure actuelle, un philosophe a de plus en plus besoin des mathématiques. Ne serait-ce qu'en linguistique. Mais même pour les choses les plus simples: le triangle arithmétique de Pascal est tout entier lié à l'histoire du Pari. Et c'est même par là que Pascal est prodigieusement moderne... Le philosophe, et le mathématicien ne font qu'un.
- Ah, tiens... Pascal...
...
Et quand visiterais-je Clermont-Ferrand, hein ? Je serais le nouveau Jean-Louis, allant, comme lui, de Valparaiso, à cette belle ville d'Auvergne... :)
Bisous, Minou, et merci de partager mes incompréhensions et mes peurs.
Je pense, comme tu le dis très justement, qu'il est difficile sinon impossible de pouvoir juger notre temps et a fortiori de chercher une réponse. En fait on ne peut que décrire des tendances, des penchants, et autres phénomènes trop flous pour être clairement délimités.
RépondreSupprimerIl est d'autant plus étrange et dérangeant d'assister à de tels épanchements racistes que nous sommes nous-mêmes dans une période de véritable implication politique, dans une perspective de maturité.
La question est justement celle que tu évoques, c'est-à-dire celle de la spécificité d'un discours politique temporel et délimité dans un espace qui est celui de la contingence. Dès lors tout le problème est soit de se persuader que nos contemporains sont des cons racistes invétérés, et donc de penser que la politique actuelle n'est qu'un révélateur de notre médiocrité, ou alors de penser que la politique actuelle n'est pas l'essence de notre société et que nos concitoyens ne sont qu'impliqués dans quelquechose qui les dépasse. Entre nous les deux solutions sont soit très pessimiste, soit un peu pessimiste...
Bien sûr et heureusement que le doute a sa place là où tant de certitutes et de préjugés sont lancés à tout va !
Doutons bordel ! C'est comme ça que la politique avance (c'est pas de moi mais d'Alain, sauf le "bordel")! C'est peut-être le moment de croire en quelquechose d'autre, ce n'est en tout cas pas le moment de lâcher nos convictions et notre amour du débat et de la réflexion ! Saisissons-la cette chance qui nous est offerte d'exercer notre esprit critique!
"C'est Gorki ou Lénine ou Maiakovski je sais plus, qui disait à propos de la révolution russe, à propose de la prise de pouvoir, que la situation était telle à ce moment là qu'il fallait saisir la chance sur mille, parce que l'espèrance en choisissant cette chance sur mille était infiniment plus grande qu'en ne la choisissant pas"
Tu verras Clermont-ferrand ! On ira en pélerinage au Garden Ice (qui a remplacé le Suffren mais où il reste l'étage) et on jouera la scène. On ira à Notre-Dame-du-Port, et peut-être croiseras-tu une vision fugace de l'Amour. Mais comme ce film date d'une époque quelque peu guindée, on ira aussi se pinter la tronche dans les bars !
Comme disait De Gaulle, "vaste programme".
Te souhaitant une bonne journée là où se termine la mienne, toi qui est en quelque sorte dans mon passé.
Bisous